Il existe peu de représentation cartographiée de notre univers médiatique. Pourtant, cela peut nous aider à prendre du recul sur notre rapport à l’information. Si la carte la plus connue est celle d’ACRIMED et du monde diplomatique (médias Français, qui possède quoi ?) qui insiste sur les propriétaires des médias français et que je reprends dans Les médias, le monde et nous, il existe aussi celle réalisée par l’Institut Montaigne avec le Medialab de Sciences-Po qui pointe la polarisation des médias français, ou “la carte de la presse pas pareille” qui valorise les médias dits libres et indépendants.
Mais comment donner à voir autrement le monde de l’information ? Comment sortir de la simple vision critique qui ne parle que des médias “mainstream” en les mettant tous dans le même sac ? Pour cela, je me suis prêté à un exercice que vous pouvez faire également de votre côté : j’ai dessiné ma vision sur une carte un peu spéciale, très subjective, volontairement conçue pour donner à voir autrement le paysage médiatique Français. Cela ne manquera peut être pas de faire réagir, mais quand je l’ai présentée lors du Festival Bien S’informer à Ground Control en mars dernier elle a étonnamment fait son petit effet auprès des participants.

Sur la carte ci-dessus (cliquer dessus pour l’agrandir et la voir en détail) donc, vous pourrez distinguer :
- + La source (la montagne en haut à gauche) : les agences de presse type AFP, qui abreuvent de dépêches le monde de la presse, avec des journalistes partout dans le monde et des contenus qui sont repris quasiment instantanément (le fameux copier coller évoqué dans le film par Julia Cagé) ;
- + Le fleuve : les médias dits mainstream, avec chaque yatch qui représente les actionnaires possédant les médias inscrits dans leur sillon (d’après la carte ACRIMED/Monde Diplo). L’idée, vous l’aurez compris, est avec cette carte de sortir la tête de l’eau… et aller voir ailleurs des références habituelles ;
- + Un tribunal en charge de rétablir la vérité des faits (activités de Fackchecking, ou vérification des faits)
- + Une montgolfière, pour prendre de la hauteur, du recul, du temps de reportage et d’analyse sur l’actualité ;
- + Des affaires au sommet : les enquêtes d’investigation qui ont marqué l’histoire ;
- + Une loupe pour les démarches d’investigation de qualité ;
- + Une boussole pour garder le nord, avec des ONG et des structures qui permettent de sensibiliser à la liberté de presse ou à l’éducation à l’information et aux médias ;
- + Au centre, les médias locaux – dans le village la presse quotidienne régionale, dans les yourtes en périphéries les médias alternatifs (la “presse pas pareille” évoquée par l’Âge de faire et Reporterre dans le lien spécifié en début d’article) ;
- + La grande roue : les médias satiriques et humoristiques ;
- + Le potager : les jeunes pousses de la presse jeunesse et ce que consultent essentiellement les jeunes (contenus de youtubeurs/youtubeuses et assimilés)
- + Tout en bas à gauche : la forêt d’alternatives et son chemin de journalisme constructif ;
- + Sur la droite, des médias identitaires nationalistes extrémistes (drapeau français) ou complotistes et limite vaseux (dans le tas de fumier) ;
- + Un drone pour les intelligences artificielles qui aident à éplucher les volumes de contenus informatifs pour vous procurer une veille et des articles sur mesure.
–> A noter : la carte n’est assurément pas exhaustive, elle reste incomplète, imparfaite, critiquable… Elle mélange des médias dits “professionnels” et d’autres plus alternatifs, des émissions et des supports de presse, des ONG, des collectifs, etc. MAIS c’est un support qui permet de voir les choses autrement, un effort pour raconter une histoire et inviter à avoir un autre regard sur ce monde tellement accusé de mal faire son travail… et montrer à quel point il est diverse, à quel point des médias considérés comme manipulés offrent aussi de beaux contenus, à quel point des indépendants peuvent être limites, etc.
Bref, les rares personnes perdues dans ce monde de l’information à qui j’ai pu la présenter m’ont chaleureusement remerciée pour l’ensemble des sources qu’elles ont ainsi pu découvrir… D’autres plus aguerries et issues du monde des médias m’ont demandé à se la procurer pour l’afficher en grand dans leurs organisations. Je me doute bien qu’elle ne plaira pas à tout le monde, mais j’ose espérer que ce travail que nous avons démarré il y a un an avec Natacha Bigan sera utile pour proposer une vision autre du monde médiatique… et stimuler le débat.
Je serai heureuse d’échanger avec vous sur le sujet en tout cas. Et n’hésitez pas à la partager si elle vous plaît – elle est sous licence Creative Commons, libre de diffusion et reproduction sans usage commercial. Merci !