Ce 17 novembre marquait le premier anniversaire de la mobilisation des gilets jaunes. L’occasion de revenir sur le “coup de massue” que beaucoup de journalistes ont ressenti ces derniers mois en réalisant à quel point la rupture avec une bonne partie du public est consommée (voir la série “Gilets Jaunes : récits de médiatisation” sur l’excellente Revue des médias par exemple, sur The Conversation France, dans Challenges ou via cet article de l’AFP repris sur plusieurs supports le weekend dernier). L’occasion aussi de faire un point sur les sondages et consultations citoyennes qui cherchent depuis à comprendre le ressenti du public et envisager d’autres façons de le satisfaire.
Médias et société
Outre le baromètre de confiance des médias effectué chaque début d’année par La Croix avec Kantar, la plateforme de “civic-tech” Make.org a lancé une consultation cet été dont les résultats ont été rendus public le 8 octobre 2019. Avec 104 000 participants, plus de 1600 propositions ont été faites et 270 000 votes exprimés. Résultat ? Des propositions qui touchent différentes thématiques, à commencer par le choix des sujets et le traitement de l’information : “les citoyens y réclament moins de flux d’informations brutes, répétitives et redondantes, et plus de sujets approfondis et pédagogiques, appuyés sur des paroles d’experts et de scientifiques“, souligne la plateforme. Viennent ensuite les Fake news (10% des propositions déposées) avec l’envie d’avoir plus d’information vérifiées en amont des informations publiées, plus de vérification des faits (Fact Checking) et évoquent pour certains la possibilité de sanctionner la publication de fausses informations. Enfin, si elle est peu citée (4% du total des propositions déposées), l’Éducation aux médias reste pourtant plébiscitée par beaucoup. Make.org précise également que les les questions d’Éthique et de déontologie, fréquemment citées dans la consultation (15% des propositions déposées), suscitent une adhésion moindre, “en raison notamment de propositions moins consensuelles sur le secret des sources et la création d’un “conseil de l’ordre” des journalistes“.
Au final, neuf grandes priorités se sont dégagées autour de trois axes :
De fait, cette consultation confirme la lassitude du public à l’égard de la surabondance et la redondance d’informations. Elle illustre le besoin de proposer un suivi et un approfondissement des informations données et surtout d’aller vers plus d’informations originales, de sujets de fond, de temps long au lieu de multiplier les dépêches. On veut plus de pédagogie, d’expertise réelle, de vérification des faits. Mais aussi plus de transparence dans les lignes adoptées par les supports, d’honnêteté sur le lien aux actionnaires, la façon d’assurer l’indépendance de l’information produite.
A noter : quatre sujets de controverses, tels que présentés ci-dessous, qui prouvent que les débats et discussions peuvent encore se poursuivre sur certains points…
Médias et Citoyens
Chose intéressante : la plateforme Bluenove, similaire en certains points avec Make.org, vient aussi de lancer avec plusieurs médias partenaires la consultation Médias et Citoyens. Initialement lancée par Ouest France il y a plusieurs mois, la dynamique a été suivie par la Voix du Nord, Ebra, TF1, France Media Monde, France Info et le Media Lab de Google (surtout sur les Fake News et personnalisation de l’information en ce qui concerne ce dernier partenaire).
“Des journalistes dans les rédactions sont mis au service de la discussion et de la concertation avec les citoyens” m’ont expliqué les équipes de Bluenove, avec une conférence de restitution prévue le 13 février. “Les médias partenaires se sont engagés à “prototyper” des idées concrètes devant des citoyens, à les tenir aussi au courant du développement de ces solutions“, précise-t-on encore. D’ici là, des “ateliers d’écriture collaborative utopique” sont organisés (notamment le 10 décembre) pour compléter le débat et dresser des pistes de futurs possibles pour la presse et les médias. Au 14 novembre, 1072 participants avaient déjà formulé 5000 contributions.
N’hésitez donc pas à vous promener sur le site de la consultation et à lire les contributions, voir à y participer : on ressent une fois de plus le dégoût général de beaucoup quant à la presse, mais il s’en dégage des questions et des propositions intéressantes qui mériteront d’être discutées encore plus amplement !
L’observatoire mes datas et moi
Enfin, la Maif – via l’observatoire mes datas et moi, a rendu public lundi 18 novembre les résultats de son étude “Infox : épidémie du web”. Réalisée en partie avec Villes Internet, la consultation citoyenne en ligne mise à disposition via les médias MAIF, les sites de communes et agglomérations, etc. a réuni 3459 répondants au 18 juin 2019 (75% de plus de 50 ans, 11% de plus de 40 ans) à plus de 50% retraités (les seniors). Elle a été complétée par un questionnaire “expérientiel” mis à disposition au sein des animations du MAIF Numérique Tour, ciblant en priorité les enfants et les adolescents : là, ce sont pas moins de 565 répondants (30% de collégiens, 27% de lycéens, 8% d’étudiants, 18% de parents d’élève, de professeurs ou d’animateurs et 17% d’adultes « autres ») qui se sont exprimés.
Ciblant un sujet beaucoup plus restreint que les deux consultations qui précèdent, cette étude est intéressante avant tout parce qu’elle est portée par un acteur hors média (La Maif, désireuse avec Mes Datas et Moi de participer à l’amélioration de l’état des connaissances sur les risques numériques et la nécessaire protection des données personnelles) mais aussi pour sa jolie mise en page, très épurée, au ton incarné qui en fait aussi un outil de communication pour sensibiliser le public à ce sujet.
Sur le fond, les conclusions confirment celles d’enquêtes et d’analyses menées auparavant. Avec un focus sur les anti-vaccins, elles mettent en avant le rôle de chacun et le besoin de sens critique pour mettre fin à la propagation des infox.
Pour aller plus loin, il serait intéressant d’analyser le contenu des infox, les raisons de leur propagations, les mécanismes à l’oeuvre dans nos manières de relayer une information, et surtout le besoin de cultiver de nouveaux régimes informationnels. Une affaire à suivre donc, n’est-il pas ?
A noter
D’autres consultations ont été lancées auparavant, telles Ma TV et ma radio demain, dont les résultats ont été présentés en février 2019, sans oublier le baromètre La Croix des médias qui chaque année donne aussi un bon aperçu du degré des attentes globales des français vis-à-vis des médias.